Une commune sans pauvreté

« Lorsque je donne à manger aux pauvres, on dit de moi que je suis un Saint. Lorsque je demande pourquoi les pauvres n’ont pas à manger, on me traite de communiste » (Dom Hélder Pessoa Câmara). La pandémie de Covid a eu un impact lourd sur le niveau de vie de beaucoup de Bruxellois, et plus particulièrement de ceux et celles qui ont du mal a finir le mois. On a vu l’augmentation des inégalités et de la pauvreté aiguë dans la ville. La crise d'énergie a affecté le pouvoir d’achat de toute une série de travailleurs. De plus en plus de familles ont des difficultés à payer les prix des loyers qui ont augmenté fortement. Pendant le Covid, de nombreux Bruxellois n’ont pas pu bénéficier du chômage temporaire et du droit passerelle. C’était le cas de certains indépendants, de nombreux artistes, de travailleurs précaires, d’étudiants, des travailleurs dans le secteur informel, des travailleurs sans papiers et des personnes sans-abri. Les deux crises ont fait augmenter les problématiques de santé mentale fortement, particulièrement chez les jeunes qui ont difficile à s’imaginer un avenir sans insécurité sociale et pauvreté. Le sans-abrisme a augmenté. En 2018 les organisations de lutte contre le sans-abrisme comptaient 4.187 personnes sans abris dans les rues de la Région. En 2022 il s’agit de 7135 hommes, femmes et enfants, soit une hausse de presque 60%. Bruxelles est une des régions les plus riches d’Europe mais près d’un tiers des Bruxellois vivent dans la pauvreté. La richesse des uns fait la pauvreté des autres. Alors qu’une poignée de milliardaires s’enrichissent chaque année un peu plus, de plus en plus de gens ne parviennent plus à joindre les deux bouts en fin de mois. Les richesses produites par nous tous, se retrouvent dans les poches d’une petite élite. Pensons à Bernard Arnault, qui a explicitement transféré une grande partie de ses sous à Bruxelles. Malgré les promesses des administrations et gouvernements successifs de combattre la pauvreté, aucun n’a réussi à vraiment la faire reculer. Ce qui finalement n’a rien d’étonnant puisqu’on ne s’attaque pas aux véritables causes, à savoir le détricotage de la sécurité sociale, la fragilisation des mécanismes de solidarité et des services sociaux, l’insécurité croissante de l’emploi, l’expansion de la pensée néolibérale avec pour conséquence des droits sociaux qui se retrouvent à la merci des forces du marché, la libéralisation du marché de l’énergie et des services publics, l’absence d’intervention des autorités pour réguler les loyers…Faire valoir et obtenir ses droits est de plus en plus difficile et coûteux, et la justice est inaccessible pour la grande majorité de la population (procédures, vocabulaire, coût). À Bruxelles, le Ministre Alain Maron envoyait les gens au CPAS, qui étaient déjà débordés. Les prix des loyers ont continué à augmenter, mais le gouvernement bruxellois n’a pas osé plafonner les loyers avec une grille contraignante. Le gouvernement bruxellois a coupé dans les budgets des services régionaux et la digitalisation des services publics risque d’exclure toute une série de personnes. Au contraire, on s’en prend directement aux personnes en situation de précarité. Elles sont pourchassées, sanctionnées ou tout simplement repoussées. On les juge responsables de ce qui leur arrive, c’est ce qu’on appelle le « victim blaming ». Au PTB, ce ne sont pas les pauvres, mais la pauvreté que nous voulons chasser de la ville. Nous défendons une politique qui garantit à tous une existence digne. Pour pouvoir combattre efficacement la pauvreté, il faut d’abord garantir à tous un accès aux droits sociaux fondamentaux, et notamment le droit à un logement, le droit au travail, le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit aux biens de première nécessité et le droit à l’épanouissement. Pour chacun de ces droits fondamentaux, nous avons développé dans notre programme des priorités distinctes. Dans ce chapitre, nous mettons en avant une série de propositions spécifiques et complémentaires. Et notamment l’ouverture d’une maison de quartier accessible à tous dans chaque quartier de la commune. Pour nous, le CPAS doit se porter garant de la réalisation des droits sociaux fondamentaux. Nous voulons des services sociaux à taille humaine, accessibles, à l’écoute et au service des citoyens, et nous voulons que les droits soient automatiquement octroyés. Nous voulons également garantir le droit au logement et le droit au travail, y compris pour les personnes en situation de vulnérabilité. Nous voulons faire de l’accès à l’eau et à l’énergie un droit humain fondamental.

Ce que nous voulons

Un. Une maison de quartier dans chaque quartier de la commune

  • Pour chacun des 118 quartiers d’habitants de la Région Bruxelloise, nous voulons au moins une maison de quartier. Une maison de quartier offre des services sociaux à bas seuil, visant à réaliser les droits sociaux fondamentaux de tous les habitants du quartier.
  • C’est autour d’une tasse de café ou de thé que les habitants du quartier trouveront une aide pour résoudre une question d’ordre administratif, pour éplucher leur facture d’énergie ou pour régler toute sorte de problème.
  • La maison de quartier proposera une guidance budgétaire, un accompagnement en matière de logement, un accompagnement socio-professionnel, elle offrira également un encadrement pour la résolution de problèmes liés aux dettes d’énergie et d’eau, une aide en matière d’enseignement et d’éducation ainsi qu’une aide médicale accessible par l’intermédiaire d’un personnel infirmier
  • La maison de quartier offrira une aide juridique gratuite sous forme de permanence par des juristes professionnels.
  • Les travailleurs sociaux seront actifs sur le terrain, les visites à domicile et le travail de proximité permettront ainsi d’atteindre ceux qui pour une raison ou une autre ne font pas le déplacement jusqu’à la maison de quartier.
  • La maison de quartier organise des moments et des activités de rencontre pour construire un quartier solidaire.
  • Dans les maisons de quartier, les personnes en situation de pauvreté prennent la parole. Une chose qui dans notre société actuelle leur est bien trop souvent refusée. Nous voulons ainsi briser la « culture du silence » et développer une conscience individuelle et collective.

Deux. Le CPAS, garant de la réalisation des droits sociaux fondamentaux

  • Le CPAS doit s’assurer d’appliquer sa mission première, celle de prendre toute les initiatives nécessaires en vue d’informer le public sur les différentes formes d’aide qu’il octroie. 
  • Le CPAS garantit le droit à l’aide sociale. En tant que droit, et non en tant que faveur. Le travail social est une profession axée sur la protection des droits humains et les travailleurs sociaux sont là pour aider et non pour contrôler et sanctionner. 
  • Le CPAS dirige les politiques sociales au niveau local et implique les autres organisations de terrain en tant que partenaire, et non en tant que « sous-traitant ». L’aide sociale constitue le terrain exclusif du secteur non marchand. Nous nous opposons à toute forme de marchandisation.
  • Nous voulons augmenter le revenu d’intégration sociale jusqu’au seuil de pauvreté européen. Le revenu d’intégration sociale doit être octroyé sans condition à toute personne avec un revenu sous ce seuil.
  • Afin d’assurer un accompagnement de qualité, sur mesure, la charge de travail ne peut pas être supérieure à 50 dossiers actifs par travailleur social (au lieu de 100 actuellement).
  • Nous voulons que le CPAS continue activement d’améliorer son système informatique et ses règles de fonctionnement interne, et ce pour des meilleures conditions de travail des employés du CPAS et des meilleures conditions d’accueil pour les demandeurs d’aide.
  • Nous garantissons le secret professionnel aux assistants sociaux du CPAS.
  • Nous voulons que le CPAS d'Ixelles garantisse l’octroi à l’aide médicale urgente, notamment en améliorant le délai de réponse aux demandeurs d’aide.
  • Nous voulons que le CPAS souscrive aux règles de bonne gouvernance.
  • Les travailleuses et travailleurs du CPAS doivent pouvoir exercer leur travail dans de bonnes conditions. Ils doivent avoir le temps de s’occuper correctement de la situation de chaque bénéficiaire, plutôt que d’être sous pression et débordés par un nombre trop grand de dossiers à gérer. 

Trois. Des services et des aides à taille humaine

  • Nous luttons contre la fracture numérique en maintenant des services publics physiques et accessibles par divers moyens de communication (téléphone, emails, courrier postal, guichet).
  • Les services publics communaux doivent être à la portée de toute le monde et à l’écoute des citoyens :
    • Les services doivent être accessibles en termes de distance.
    • Les services doivent être à la portée de tout le monde : pas de langage compliqué, pas de jargon, pas de méandres informatiques, mais une aide sur mesure, avec l’intervention d’un interprète le cas échéant.
    • Les services doivent être à l’écoute des citoyens : le point de départ des fonctionnaires ne doit pas être la réglementation, mais la demande d’aide et la manière dont ils vont pouvoir y répondre.
  • Nous mettons les huissiers de justice à la porte. Nous voulons interdire aux institutions et services communaux de faire appel aux bureaux de recouvrement et huissiers de justice pour obtenir le paiement de factures impayées.
  • Nous encourageons dans tous les services et institutions publics et parapublics la création de collectifs d’usagers et ouvrons les conseils d’administration aux représentants des usagers, aux groupes d’intérêts et au personnel. 

Quatre. Lutte contre la sous-protection sociale et octroi automatique des droits

  • Les conditions d’octroi des droits sociaux doivent être simplifiées, le but étant d’arriver à ce que ces droits soient autant que possible inconditionnellement garantis.
  • C’est aux autorités d’automatiquement vérifier, sans que la personne n’ait à en faire la demande, si elle a ou non droit à une aide. Les droits doivent dans la mesure du possible être octroyés sur base du revenu et non sur base du statut social des personnes.
  • Les travailleurs sociaux doivent se montrer proactifs et doivent pouvoir détecter les situations de sous-protection (potentielle) et garantir à chacun l’accès aux droits sociaux. Il faut bien sûr leur en donner les moyens, comme expliqué plus haut.
  • Nous voulons que le principe du « only once » soit systématiquement appliqué, autrement dit une fois le document déposé, il pourra être réutilisé dans le cadre d’autres demandes.

Cinq. Un emploi fixe, y compris pour les personnes en situation de précarité

  • Les communes sont tout d’abord elles-mêmes des employeurs importants. Nous nous opposons à toute sous-traitance de tâches et de services et au fait que de plus en plus d’emplois sont remplacés par du bénévolat. La commune doit offrir des emplois de qualité, et également prévoir des emplois pour les personnes en situation de précarité.
  • Nous ne nous focalisons pas sur les diplômes, mais nous prenons en compte les compétences acquises par l’expérience. Les candidats seront non seulement recrutés sur base de tests écrits, mais également sur base d’examens pratiques qui pèseront tout aussi lourd dans la balance.
  • Le CPAS doit offrir un accompagnement socioprofessionnel de qualité et de proximité qui débouchera sur un emploi de qualité. Ils appliquent une approche intégrale qui prend en considération non seulement les éléments liés au travail, mais aussi les éléments liés au bien-être.
  • Les parcours d’insertion socioprofessionnelle sont utilisés comme instruments pédagogiques et instruments d’émancipation, et non comme des moyens de contrôle. Nous travaillerons en collaboration avec des associations à but non lucratif uniquement, à même d'offrir l’expertise et l’encadrement nécessaire.
  • La commune doit investir dans des emplois par les ateliers sociaux et dans l’économie de services locale. Au travers d’initiatives comme les épiceries sociales ou restaurants de quartier, nous visons la création d’emplois pour les groupes les plus vulnérables dans un environnement de travail à bas seuil.
  • Nous voulons que les personnes engagées sous contrat article 60§7 soit le plus possible engagées sous contrat CDI à la fin de leur période, et ce afin d’éviter le retour à une situation précaire, après avoir réintégré le marché du travail avec fruit.

Six. Garantie du droit au logement pour tous

  • Nous voulons que les personnes sans-abri puissent bénéficier de l’accueil d’urgence tout au long de l’année, sans condition et sans seuil, de jour comme de nuit. L’accueil et l’hébergement constituent des missions essentielles du CPAS, qui doivent rester un service public à part entière, avec statut afférent, protection et réglementation stricte en matière de transparence.
  • La personne qui frappe à la porte du centre d’accueil d’urgence devra pouvoir accéder à un logement dans les trois mois en vertu du principe du Housing First. Nous développons des services Housing First spécifiques, avec un personnel professionnel. 
  • Ces accueils d’urgence et l’hébergement transitoire doivent être adaptés aux besoins spécifiques, avec une attention particulière pour les personnes vulnérables (femmes, enfants, familles, LGTBQ)
  • Chaque CPAS doit prévoir un service gratuit de médiation et d’accompagnement préventif en matière de logement. L’accompagnement aura pour priorité d’éviter à tout prix l’expulsion, laquelle ne pourra avoir lieu que dans certains cas extrêmes et seulement si un autre logement est garanti.
  • La commune doit recourir au maximum à son droit de préemption pour réquisitionner les immeubles inoccupés pour le logement des personnes sans-abri. 
  • Nous voulons qu’à son niveau, la commune applique plus largement le principe de l’adresse de référence sans imposer de conditions supplémentaires.

Sept. Faire de l’accès à l’énergie et à l’eau des droits humains fondamentaux

  • Personne n’est exclu de l’accès à l’énergie et l’eau. Le droit à l’énergie et à l’eau est prioritaire sur le remboursement de la dette. 
  • En cas de retards de paiement, le CPAS doit jouer un rôle actif de médiateur auprès des fournisseurs d’énergie et de Vivaqua, afin de garantir des plans de paiement réellement réalisables. Les budgets de référence serviront de points de comparaison. 
  • Le CPAS doit intervenir de manière proactive et garantir l’octroi du statut de « client protégé » à toutes les personnes confrontées à des difficultés de paiement. Les gens doivent pouvoir bénéficier de ce statut jusqu’au règlement intégral de la dette.
  • Nous voulons organiser davantage de visites à domicile proactives de manière à entrer en contact avec les personnes confrontées à des arriérés de paiement.
  • En cas de problèmes de paiement structurels, le CPAS doit s’engager à assumer l’intégralité de la dette. À cette fin, nous augmentons le Fonds Energie.